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Nouveaux Article 39 : toujours dans le flou

Les vieux régimes 39/additif/chapeau sont interdits depuis une ordonnance du 4/7/19, mais le cadre n'est toujours pas fixé pour les nouveaux produits qui doivent les remplacer. Les assureurs ferraillent avec l'administration pour définir le mode de gestion financière des sommes épargnées et le mode de constitution des droits à retraite. Le cœur du produit, en fait, reste à construire. Un projet de circulaire de la Direction de la Sécurité Sociale anime le Landerneau de l'assurance ces jours-ci. Tentons d'y voir clair :

Rappel : L'Union Européenne a interdit les 39/additifs/chapeau français car fonctionnant à droits aléatoires et étant possiblement un frein à la mobilité des Hommes dans l'Union. La France s'est mise au pas après plusieurs années de retard, avec l'ordonnance du 4/7/19. Un régime de remplacement, à droits acquis, a été concocté.

Si un tel régime est en place dans l'entreprise, des droits à retraite sont acquis chaque année, à hauteur maximale de 3% du salaire (salaire non plafonné  !), avec un cumul des % de droits sur une carrière entière plafonné à 30. Des cotisations sont définies en fonction des droits promis et sont versées par l'employeur à un assureur. Une revalorisation annuelle minimale des droits à retraite est règlementée.

Le flou porte sur la gestion financière et la garantie des droits

Dès la découverte de ce nouveau produit, on s'est posé plusieurs questions, notamment :

  • Comment seraient calculées les cotisations,
  • Comment la promesse de la revalorisation minimale pourrait être tenue,
  • Qui porterait le risque financier de contre-performance et dans quelle mesure celui qui porte le risque peut choisir les supports financiers à même de faire face à ces risques,
  • Qui porterait le risque de longévité,
  • Quel traitement comptable de ce nouveau régime et quel impact sur le bilan de l'entreprise.

Dans les diverses conférences auxquelles nous avons assisté, toutes ces questions étaient éludées, en renvoyant à d'autres textes. Nous y voilà donc, avec ce projet de circulaire. Mais le moins que l'on puisse dire est que tout reste à faire. On découvre que les assureurs , attendus pour garantir des montants de rente à terme, refusent de le faire, trop conscients des aléas afférents.

Pour mémoire, les "bons vieux 39" fonctionnaient avec un fonds collectif que l'employeur alimentait et sur lequel l'assureur puisait de quoi financer le capital constitutif d'une rente pour un bénéficiaire partant en retraite. Le capital était calculé avec les conditions techniques au moment du départ. S'il manquait du capital, l'entreprise remettait au pot, ou alors révisait la garantie à la baisse s'il le pouvait. C'est précisément ce fort aléas qui a conduit les entreprises à fermer des régimes, ou à les limiter à des tout petits groupes de bénéficiaires. Pour résumer, l'assureur ne portait aucun risque en phase d'épargne, sa prise de risque commençait en phase de rente, à hauteur du taux d'intérêt (taux technique de rente) utilisé pour calculer la rente.

Avec le nouveau produit, en l'état du texte en discussion, l'entreprise ne porte plus d'engagement de résultat, contrairement au dispositif précédent, elle paie une cotisation à hauteur des droits promis , mais l'assureur doit garantir les droits. Ce dernier refuse de mettre en place la technique de la capitalisation viagère (acquisition de bouts de rente à chaque versement de cotisations et agrégation de ces bouts de rente au départ en retraite) qui lui fait porter un risque important dans un contexte de taux d'intérêt très bas et d'incertitude sur la longévité humaine). Un sujet épineux également est l'existence de cette garantie minimale de revalorisation des droits à retraite assise sur l'évolution du plafond de la sécurité sociale. Un passif avec rendement garanti appelle un actif à taux garanti. Ce serait paradoxale qu'à l'heure où le gouvernement prône les investissements en actions à la place des fonds euros à taux garantis, il obligerait les assureurs à effectuer des placements en fonds euros pour ce nouveau produit.

Proposition de produit purement financier et à risque porté entièrement par le bénéficiaire

Les débats entre les experts, les assureurs et l'administration sont très techniques. Les solutions évoquées par les différentes parties laissent songeur (assurance du risque par l'assureur, mais avec possibilité de demander une remise au pot, ou avec possibilité de changer les paramètres au moment de la retraite ...). La place risque-t-elle d'accoucher d'un petit monstre peu viable ? C'est à craindre.

Pourtant, au vu de la population des bénéficiaires - des cadres supérieurs - pourquoi ne pas tout simplement fixer les paramètres actuariels et financiers chaque année pour définir le capital constitutif des droits à retraite octroyés et laisser chaque bénéficiaire placer la somme en assumant totalement le risque financier, en choisissant les supports financiers ? L'employeur serait dégagé de tout risque, l'assureur aussi, et une place serait faite à une retraite financière pour des catégories de bénéficiaires armés pour assumer les aléas boursiers et planifier les investissements sur le long terme.

Un produit d'épargne retraite défini pour pallier les effets de la future réforme des retraites

L'enveloppe d'épargne retraite financière ainsi déterminée permettrait également de traiter plus facilement une des conséquences de la réforme des retraites : le plafonnement des cotisations au nouveau régime à points en dessous d'un salaire annuel de 3 Plafonds Annuels de la Sécurité Sociale (soit environ 120 000€ actuellement), ce qui libère mécaniquement le montant correspondant aux cotisations retraite pour les tranches de salaire supérieures aux 3 PASS, ce montant étant d'environ 28% des tranches de salaire. Le budget correspondant à ces cotisations futures appartient virtuellement aux salariés (partie du contrat de rémunération différée conclu à l'embauche), avec leurs exonérations fiscales et sociales attachées. Les employeurs pourraient être soumis à rude pression pour rendre ces montants sous une forme ou une autre (Hausse de salaire ? Épargne retraite ?). Il serait logique de choisir l'épargne retraite. Pour cela, un espace d'exonération fiscale et sociale à hauteur des enjeux doit être aménagé. L'espace du Plan d'Épargne Retraite est trop petit. Le nouveau 39 à droits acquis serait une bonne solution pour accueillir ces sommes.